Elle voit bien la lumière violette, la même que celle qui ne lui a absolument rien fait de la dernière fois, finalement il a renoncé à la boule de feu pour quelque chose d’encore plus inutile. Et l’hilarité continu de l’irradier, quand soudain le tracé magique violet semble exploser dans toute les directions devant le mage et toute la montagne semble s’écrouler sur elle. Ces pattes s’affaissent, son ventre touche le sol sous le poids, elle est bloquée. Elle ne peut plus bouger. Il va payer ! Il va payer !! Tôt ou tard mais il payera ! Et puis finalement elle se calme ; ça fait longtemps que son dos la grattait, il faut voir le bon côté des choses après tout.
Kafyrnhatol le noir se serait effondré de fatigue s’il n’était pas déjà affalé sur le trône. Après le vacarme étourdissant de l’éboulement dont il était responsable, le calme s’installait et il était plus que bienvenu. Il retint son souffle pendant quelques minutes, mais rien ne se passa. Peut-être avait-il enfin réussi à écraser, à broyer cette araignée si tenace, et si périlleuse. Mais son instinct lui dictait que les choses n’étaient pas toujours aussi simples, et qu’il serait amené à la revoir. Bien sur, il ne doutait pas que désormais, elle le porterait toujours dans son cœur et que si par hasard leurs chemins se recroiseraient, elle ne le manquerait plus.
Mais, on pouvait espérer qu’un morceau de montagne lui ferait prendre une convalescence respectable et qu’il n’y aurait plus rien à craindre pendant un bon moment, assez long du moins pour déguerpir.
« -Il me semble te l’avoir dit pourtant, tu ressasses… »
Encore cette voix ! La voix de son maître… Ce qui était rigoureusement impossible. Kafyrnhatol s’efforça de penser qu’elle n’était dû qu’a une dégénérescence d’une partie de son esprit face à sa confrontation violente à ce qui aurait pu s’appeler sa mort…
« -Non, c’est bien moi… »
Il allait devoir, il le fallait, il n’avait pas le choix, il allait devoir parler tout haut, tout seul, ce qu’il lui donnerait l’air d’un parfait imbécile. Heureusement, il n’y avait pers…
« -Tu n’as qu’as pensé, réfléchis un peu, tu entends ma voix ? Où tu saisis ma voix ? »
Bon, et bien alors, c’est quoi ce foutoir ? J’aimerais avoir quelques explications, je te suis reconnaissant de tes conseils, cette araignée, ce duel, c’était de la folie… Et je serais probablement mort, mais je n’y comprends plus rien.
« -Il va falloir que tu calmes tout d’abord… Ce que j’ai à te dire va sûrement te secouer un petit peu. Il vaudrait mieux t’asseoir… »
Et c’est toi, l’un des mages noirs les plus puissants de Moriagor ? Je suis déjà assis !
Kafyrnhatol reprit ses esprits, il subissait simplement le contre coup de la peur blanche qu’il avait éprouvée, et se défoulait inutilement sur cette voix qui, reconnaissons le quand même n’avait rien à faire ici. Pourtant, il devait à son maître, fut-ce même uniquement à sa voix, le respect et la dévotion que tout disciple devait ; surtout que Chenfidu n’était pas n’importe qui non plus…
« -Comme je te l’ai dit, ton enseignement est inachevé, même si tu as travaillé tout seul pendant ses quinze longues années, pour améliorer ton art. Seulement tu as besoin de mon aide, de mon savoir, des mes secrets qui sont morts avec moi…
-Mort ? »
Kafyrnhatol fut tellement surpris par l’annonce, qu’il en oublia de penser…
« -Combien de temps crois-tu qu’il s’est passé depuis ton réveil ? »
Le disciple resta bête pendant quelques secondes, puis pensa simplement qu’il s’était couché hier, avait dormi toute la nuit, et que, ce combat devait lui avoir pris la journée…
« -Lorsque tu es arrivé ici, sur mon ordre, tu ignorerais tout de mon véritable plan. Le massacre qui régnait à ce moment là était immense, incommensurable. J’avais peur de tomber face à Galjine… Cette guerre de pouvoir était terrible, tu t’en souviens ! C’était une extermination, et il était impensable que je puisse me dissimuler pour les laisser s’entretuer, et apparaître, un peu comme un opportuniste… Mais, je t’ai dissimulé toi, mon disciple, le meilleur d’ailleurs, ici même et pour être certain que personne ne viendrait te tuer, je t’ai scellé dans ce dédale rocailleux, sous les montagnes Infranchissables. Il y a longtemps, j’ai fait de toi, une issue de secours… Si tu m’entends, c’est parce qu’il y a longtemps maintenant, j’ai scellé à l’intérieur de ton esprit, une infime partie de mon âme. »
Kafyrnhatol faillit s’étouffer de surprise, c’est fou ce que l’air peut être asphyxiant sous le coup de théâtre de son maître… Mais pourtant, il ne dit rien, enfin ne pensa rien, car son instinct lui soufflait que ce n’était pas encore fini.
« - C’est une magie noire que j’ai mise au point, dans le plus grand secret, lors de ma quête d’immortalité. Je réussissais même à prendre le contrôle du corps de mes cobayes et à ne pas me limiter à n’être qu’une voix, mais leur corps ne tenait jamais le choc bien longtemps, et je suis mort avant d’avoir réussi à percer ce mystère… Je n’ai jamais compris pourquoi les âmes et les corps n’étaient pas interchangeables, et qu’un corps demeurerait si attachée à son âme, que privé d’elle, il se laissait pourrir et mourir sans rien faire. »
Le trône craqua sinistrement, ou alors ce fut simplement une impression… En tout cas, Kafynrhatol eut un sursaut devant ce discours macabre, car, étrangement, il se sentait concerné…
« -Tu étais brillant, enfin tu l’es toujours… J’ai décidé de me sceller en toi à ton insu, et de te préparer une retraite au cas où ma vie soit sérieusement menacée, uniquement afin de pouvoir survivre à travers toi. »
Je suppose que si tout cela n’avait pas été fait, je serais mort de toute façon…
« -Peu m’importe que tu sois d’accord ou non avec mon choix, il est fait et irréversible, il faudra t’y habituer. »
Et pourquoi ne pas m’avoir parlé avant, pendant ces quinze ans où je me suis expérimenté tout seul, en suant, a l’aveuglette… Tout ce temps passé, j’aurais pu mieux l’employer si tu avais pointé le bout de ton nez…
« -Je ne peux m’imposer à toi, cela te détruirait, et par conséquence, moi aussi… Si je suis apparu aujourd’hui, c’est uniquement parce que ton esprit est venu me trouver inconsciemment que j’ai pu enfin apparaître, c’est parce que tu y as consenti… Si je m’impose à toi, si je te contrains à agir, si je tente d’être plus qu’une voix, ou même de te parler sans que tu sois disposé à me parler, sans que tu le désires, cela pourrait détruire ton âme… »
Kafyrnhatol assimila l’information dans un coin de son esprit.
« -Il y a encore quelque chose que tu ignores… Lorsque tu es entré pour la première fois ici, un sceau que j’avais placé longtemps avant c’est enclenché, et la première nuit que tu as passée n’a été aussi brève que tu ne le pensais… »
Comment cela ?
« -Il fallait te dissimuler aux yeux de tous les autres mages au cas où je ne triompherais pas, il fallait que tu sois à l’abri suffisamment longtemps pour qu’on t’oublie, si l’on te cherchait encore… Il fallait que tu restes caché suffisamment longtemps pour que dans le cœur de tous les hommes, la guerre des mages noirs de Moriagor ne soient devenus qu’une ancienne légende à peine crédible… Tu es maintenant devenu un écho terrifiant du passé, parce que le monde d’aujourd’hui n’est plus le même que celui que nous avons connu… Tu es le dernier disciple d’un des plus grands mages noirs qui aient jamais vécu, aujourd’hui, la connaissance de la magie que nous pratiquions s’est perdue, effritée… Il n’en reste que des lambeaux… Cela pourrait faire de toi, pour peu que tu finisses ton initiation, le plus grand mage noir de ce temps… et je ne t’ai jamais appris que les glises utilitaires, mon jeunes apprenti… tu as encore beaucoup à apprendre. Ce que tu devras faire par toi-même. Néanmoins je peux t’aider si tu quitte le Permangh-anath, et que tu règle mes comptes avec Galjine"
Combien de temps ai-je dormi ?
- A peu près 700 ans, j’ai fini par perdre un peu le compte… Je dirais que ce chiffre est plus ou moins juste, à une décennie près…
De toute façon, à ce compte là, ce n’est pas une décennie de plus ou de moins qui changeait la moindre chose.
"Maintenant tu vas passer par la bibliothèque d’Illion car tu as beaucoup à apprendre. Là-bas c’est les mages blancs qui contrôlent le terrain, alors tu va trouver une besace, mettre cette robe noire à l’abri pour des zones plus libres et t’habiller dans des couleurs clairs. Bien, et tâche d’être poli et présentable, d’accord ? Ils ont un système différent du notre, tu découvriras que des règles protègent les personnes qui ont un jour été puissante ou dont les ancêtres ont été puissants, même si ils sont devenus faible entre temps. Fait très attention, un homme là-bas peut paraître faible et avoir un pouvoir considérable malgré sa relative incompétence, du fait de sa position sociale. L’apparence est importante bien sûr puisque les compétences ont perdu de leur valeurs, les postes de pouvoir étant accaparé par des familles de vieux aristocrate ou par des vieux oligarques indétrônables et incompétents. Tiens d’ailleurs à ce propos il faudra que tu enlève tout ces petits bouts de diamant de ton visage, c’est d’un vulgaire ! Apprend cette rune, son mot de pouvoir associé est
‘’Ceuta’’ (Rafraîchir, renouveler), elle t’offrira rasage, après rasage, coupe de cheveux fraîche et parfum musqué associé. Ho... et le mot de pouvoir associé pour avoir en plus la peau douce c’est
‘’Dove’’ (Dove…)."
"Je te laisse penser à tout ceci, car je ne veux pas prolonger notre entretien plus longtemps… Ton esprit doit être très fatigué de tout ceci, il faut que nous y allions doucement. Sollicite moi après que tu ais recouvrés tes forces, et pas avant. »
Un silence sembla s’installer dans le crâne du disciple ébahi, et c’est vrai que tout d’un coup, il fut pris d’une horrible migraine qui l’accabla plus encore. Kafyrnhatol eut une pensée maudite envers Chenfidu, pleine de confusion et de colère… Il se sentait trahi, car, son maître l’avait piégé ! Il n’avait pas voulu le mettre à l’abri, il s’était servi de lui pour survivre… Il n’avait été qu’un outil ! Et, à en croire cette migraine pas possible, qui faisait étrangement écho à un certain passage du récit de son maître, les outils semblaient avoir du mal à s’en tirer…
Il fut soudain prit d’une vague de fatigue encore plus imposante et fulgurante. Il n’eut pas le temps de comprendre que ses paupières se fermaient d’elle-même. Karfynhatol le Noir s’endormit d’un sommeil de plomb sur le trône des anciens rois nains sans autres formes de procès.